Auteur : MouvPass
Lorsqu’il s’agit d’inciter les gens à se dépenser physiquement, l’irréfutable raison avancée par les prosélytes du mouvement pourrait se résumer à : «Bougez, vous serez en bonne santé!»
Mais au fond, qu’est-ce que la bonne santé? Existe-t-il une définition objective pour caractériser ce qu’elle représente? Est-ce l’absence de maladie ou l’acceptation résignée de celle-ci? Est-ce un état vers lequel il faut tendre?
Même si les idées reçues sont tenaces, ne nous méprenons pas; l’ascétisme imposé par l’entrainement détruit le corps de façon irréversible. Demandez aux marathoniens si leurs genoux sont en bonne santé. Interrogez une ballerine en fin de carrière sur l’état de ses chevilles ou encore un boxeur retraité sur sa santé générale.
C’est dans Le Gai Savoir de Nietzsche que nous pourrions trouver un début de réponse : « Il n’y a pas de santé en soi, dit Nietzsche, et toutes les tentatives faites pour définir quelque chose de semblable ont piteusement échoué. Il faut tenir compte de ton but, de ton horizon, de tes forces, de tes instincts, de tes erreurs, et surtout des croyances et des illusions de ton âme, pour pouvoir décider ce que signifie, même pour ton corps, le mot de santé. Il y a donc un nombre infini de santés du corps, et plus l’on permettra à l’individu, unique et incomparable, de relever la tête, plus on désapprendra le dogme de « l’égalité de tous les hommes », plus aussi la notion d’une « santé normale » ainsi que celle d’une « hygiène normale » ou d’un « cours normal d’une maladie » s’évanouira chez les médecins.
Ce que Nietzsche met en avant c’est ce dualisme dans lequel nous tombons trop souvent et qui consiste à opposer de façon stricte la santé à la maladie. Ce qu’il convient de faire dans un premier temps c’est de le dépasser afin d’envisager une relation dynamique entre les deux.
L’étape suivante est plus contre-intuitive. Nietzsche, nous explique comment nous avons besoin de la maladie : « Enfin se poserait toujours la grande question de savoir si nous pourrions nous passer de la maladie, même en vue du développement de notre vertu, et si, en particulier pour notre soif de savoir et de conscience de nous-mêmes, l’âme malade n’est pas aussi indispensable que l’âme saine : bref si la volonté exclusive de santé ne serait pas un préjugé et une lâcheté, peut-être un vestige de barbarie très atténuée, un instinct réactionnaire. »
La maladie peut être un stimulant. La douleur qu’elle engendre n’est pas à mettre de côté, ni une chose contre laquelle nous devons lutter mais au contraire, accepter de vivre avec car c’est dans la douleur que nous pouvons devenir plus fort. La santé n’est donc pas un état, un abri qui nous protégerait des dommages et des souffrances (ça ne veut pas dire qu’il faille vénérer la souffrance). Abordée de la bonne façon, elle peut être un puissant catalyseur de notre existence.
Grace à Nietzsche on comprend que s’entraîner pour améliorer sa santé est une entreprise vaine. Évidemment, certaines conséquences d’une vie active sont recommandables, mais ce n’est pas ici qu’il faut puiser les raisons qui légitimeraient l’activité physique…